L’écologie punitive est morte, vive l’écologie efficace !
Face à la crise climatique, l’écologie efficace mise sur des solutions réalistes : conjuguer impact environnemental et respect des besoins humains.
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Yascha
La traduction suivante de mon article original en anglais, rédigé par Peggy Sastre, a été publié le 26 et 27 décembre dans Le Point.
À Paris, la luminosité est à peine plus intense qu'à Londres, dont la grisaille est légendaire, et la rudesse des hivers peut surprendre ceux qui la découvrent pour la première fois. La ville parvient pourtant à entretenir une atmosphère de convivialité tout au long de l'année, notamment grâce à ses cafés qui savent comment garder leurs clients au chaud. Les froids jours d'automne où j'ai partagé un verre de vin rouge en terrasse avec des amis, réchauffés par des plaids et des lampes chauffantes, figurent parmi mes meilleurs souvenirs parisiens.
Ou peut-être devrais-je dire : les cafés parisiens savaient comment garder leurs clients au chaud. Car lorsque je suis passé à Paris à la fin de l'automne l'année dernière, à mon grand étonnement, j'ai constaté que les terrasses avaient quasiment disparu. Devant les bars, quelques Parisiens emmitouflés dans leurs écharpes grelottaient en grappes, cigarette au bec. Mais, en grande partie, Paris avait un air désert qui ne lui ressemblait pas.
Lorsque j'ai demandé à mes amis ce qu'il s'était passé, ils m'ont donné une explication toute simple : la France a interdit les chauffages extérieurs. Au nom du combat contre le changement climatique, le gouvernement d'Emmanuel Macron a interdit aux cafés et aux restaurants de gaspiller de l'énergie pour garder leurs clients au chaud.
Initiatives contre-productives
Il s'agit clairement d'un désagrément mineur – un parfait exemple de « problème de riches », si vous voulez. Être contraint de renoncer à s'attabler en plein air avec ses amis pendant les mois d'hiver peut difficilement passer pour une injustice flagrante et c'est de la roupie de sansonnet comparé aux véritables dangers qui nous attendent si nous ne combattons pas collectivement le changement climatique. Mais c'est aussi une illustration typique des dysfonctionnements d'une sorte de réglementation environnementale de plus en plus répandue, dont l'impact est faible mais l'étalage de vertu, très fort.
Voyons juste quelques exemples saillants de ces dernières années :
Certains États américains ont interdit aux cafés et aux restaurants de proposer des pailles en plastique à usage unique à leur clientèle.
Dans le monde entier, de nombreux pays imposent aux commerces de faire payer les sacs en plastique.
L'UE a interdit les ampoules à incandescence.
L'UE a également interdit les bouteilles en plastique aux capuchons détachables, ce qui a conduit à l'introduction de bouteilles qui ne se referment plus correctement une fois qu'elles ont été ouvertes.
Certains organismes et militants de premier plan appellent à une interdiction des gazinières, mesure qui n'a pas encore été adoptée.
Ces exemples apparemment disparates ont un point commun important : ils incarnent une forme d'intervention politique qui accomplit des progrès mineurs pour l'environnement, au coût d'une détérioration tangible de la qualité de vie ou d'une grosse perte de soutien politique. Et c'est pour cette raison que chacune de ces initiatives peut tout à fait se révéler contre-productive.
Quiconque a l'intention de s'attaquer à des problèmes environnementaux aussi sérieux que le changement climatique doit s'assurer que les politiques qui ont un réel impact remportent le soutien de la majorité dans un grand nombre de pays et doit faire en sorte de maintenir ce consensus sur le long terme. Pour cela, législateurs et écologistes doivent user avec intelligence de leur capital politique ; apprendre à le bâtir et, surtout, à ne pas le gaspiller.
Investissements publics ou incitations fiscales
Les politiques à impact réduit, qui demandent des sacrifices modestes mais fréquents et très visibles, donnent à ceux qui les font l'impression d'être vertueux. Mais d'un autre côté, ils épuisent une quantité disproportionnée de capital politique. À force de s'accumuler, ils risquent de donner aux citoyens l'impression que leurs dirigeants sont plus occupés à les contraindre à changer leur façon de vivre qu'à régler les vrais problèmes.
En revanche, les politiques à fort impact, moins visibles parce qu'elles agissent par le biais de mécanismes indirects comme des investissements publics ou des incitations fiscales, ne donnent pas l'impression d'être aussi vertueuses, en partie parce qu'elles laissent à chaque individu davantage de liberté quant à la manière de s'y ajuster. Or ce sont précisément ces types de changements structurels à grande échelle qui sont le plus susceptibles de faire une différence réelle et durable.
Si nous voulons remporter le combat contre le changement climatique, il nous faut envisager sérieusement d'avoir l'impact environnemental le plus fort possible au plus petit détriment de la qualité de vie et du soutien politique. Les politiques environnementales ne peuvent se contenter d'être bien intentionnées ou de donner l'impression d'être vertueuses ; il faut qu'elles soient efficaces et atteignent l'objectif visé. Il est temps d'adopter un nouveau paradigme. Appelons-le « l'environnementalisme efficace ».
Comment les écologistes ont perdu du terrain
Lorsqu'il fait des conférences devant un large public, Mark Lynas, activiste écologiste de longue date et auteur de nombreux best-sellers sur le réchauffement climatique, aime poser une question toute simple : imaginez qu'une fée apparaisse et vous propose de résoudre le problème du changement climatique d'un coup de baguette magique. Accepteriez-vous ?
Presque à tous les coups, rapporte Lynas, la plupart des membres du public disent non. Régler le problème du changement climatique d'une manière aussi simple, ce serait tricher, estiment-ils. Dans l'esprit de nombre de personnes qui se disent extrêmement inquiètes face aux problèmes environnementaux, conclut Lynas, toute vraie solution doit comprendre un élément d'autoflagellation important ; leur vraie motivation semble être l'idée que nous avons commis un péché envers la nature – et entraîne la conviction que nous devons nous repentir avant d'espérer remédier au problème.
Cet état d'esprit est motivé par le sentiment plus profond, très répandu dans le mouvement écologiste, que le combat contre le changement climatique est concomitant avec celui qui vise à refaire le monde en reprenant tout depuis le début. Pour beaucoup, les plaies sociales comme le racisme, le sexisme et même le capitalisme sont les facettes du même système d'oppression dans lequel ils sont tous interconnectés. Et pour vaincre une de ces facettes, il faut les vaincre toutes.
Un péché envers la nature
Le best-seller de Naomi Klein Tout peut changer est un classique du genre. Le premier changement auquel elle enjoint ses lecteurs est, comme par hasard, lié à leur style de vie : « Pour nous, les gros consommateurs », écrit-elle, empêcher le terrible avenir qui attend l'humanité requiert de « changer notre façon de vivre ». Elle ne tarde pas à ajouter que ces changements seront, de toute façon, « absolument excitants ».
Et encore une coïncidence : Klein soutient que la mise en place de ces changements ne nécessitera rien de moins que l'abolition du capitalisme. À ses yeux, pour comprendre correctement ce moment historique, il faut l'envisager comme « un combat entre le capitalisme et la planète ».
Les politiciens américains qui bannissent les pailles en plastique ou leurs homologues européens qui interdisent le chauffage extérieur sont beaucoup moins radicaux que Klein. Mais s'ils se concentrent sur des interventions qui ont un impact visible sur la manière dont vivent les gens sans que cela fasse beaucoup de différence pour les vrais objectifs environnementaux, c'est en bonne partie parce qu'ils ont intériorisé le même type de postulat. Eux aussi pensent que nous avons commis un péché envers la nature. Et eux aussi semblent convaincus que les souffrances engendrées par la lutte contre le changement climatique peuvent faire office de feu purificateur.
Apathie et retour de bâton
Mais cette stratégie ne semble pas payante. Ces dix dernières années, les médias généralistes ont accordé énormément d'attention à des militants très véhéments, comme Greta Thunberg, et à des mouvements extrémistes, comme Extinction Rebellion. L'impression que le climat était la préoccupation politique dominante des jeunes s'est largement répandue. Il était entendu que les partis écologistes, tel le Parti vert européen, gagnaient du terrain à mesure que les jeunes électeurs affluaient dans leurs rangs.
Mais il se trouve qu'effrayer les gens et leur faire honte ne suffit pas à les pousser à agir pour modifier le changement climatique. Le moment politique actuel semblerait même plutôt caractérisé par un mélange d'apathie et de retour de bâton. Aux États-Unis, un récent sondage conduit auprès des jeunes électeurs révèle que seuls 6 % d'entre eux considèrent les « problèmes environnementaux » comme leur principale priorité, ce qui correspond au même pourcentage que ceux pour qui la principale priorité est l'immigration (les sujets économiques éclipsant les deux).
En Europe, les choses n'ont pas l'air si différentes. Il y a quatre ans à peine, le parti des Verts allemands collectait autour de 25 % des voix et semblait en bonne position pour diriger un gouvernement fédéral pour la première fois dans l'histoire du pays.
Aujourd'hui, il est descendu autour de 10 %, avec une baisse particulièrement spectaculaire parmi les jeunes électeurs. L'image du parti dans l'opinion donne un indice sur l'origine de ses ennuis : lors d'un récent sondage de sortie des urnes à l'occasion d'une élection dans le Land du Brandebourg, 71 % des électeurs ont déploré que le parti « ne se préoccupe pas suffisamment de l'économie et de la création d'emplois ». Soixante-six pour cent se plaignaient que le parti « veuille dicter sa façon de vivre ».
Compte tenu des enjeux de la crise climatique, il est moralement irresponsable et stratégiquement borné d'invoquer une cause pour couvrir les autres, ou d'utiliser le climat comme excuse pour faire du prosélytisme pour le style de vie que vous préférez. Si vous prétendez que le changement climatique est au cœur de vos préoccupations, vous devez prendre les mesures aptes à réduire réellement les émissions de CO2 et à atténuer les effets du réchauffement de la planète. Et c'est précisément ce que les principes de l'environnementalisme efficace peuvent nous aider à faire.
Comme souvent dans les politiques publiques, l'environnement est le royaume des compromis douloureux. Les démarches visant à résoudre la crise climatique vont impliquer des dépenses et des désagréments à une échelle significative. Pour des raisons tant morales que stratégiques, la réglementation environnementale doit se donner pour but d'atteindre des objectifs importants tout en minimisant ces coûts, dans la mesure du possible.
Définie simplement, l'écologie efficace consiste à entreprendre des actions ou des politiques qui maximalisent l'impact sur l'environnement tout en minimisant à la fois le coût pour la qualité de vie humaine et l'épuisement de la bonne volonté collective à adopter d'autres mesures susceptibles d'être efficaces.
S'il convient d'adopter une définition officielle afin de pouvoir faire preuve de rigueur, la plupart du temps ce type de définition est moins utile que l'esprit qui l'anime. Et c'est dans un registre moins formel que cet esprit s'exprime le mieux. Alors plutôt que de se concentrer sur la définition, les écologistes efficaces devraient évaluer chaque action, chaque politique ou réglementation envisagée en se posant les trois questions suivantes.
Les principes de l'écologie efficace
Quelle sera l'ampleur du bénéfice de cette proposition (si bénéfice il y a) ? Cette question semble si évidente qu'elle ne devrait pas être nécessaire. Pourtant, il existe une pléthore d'exemples de politiques supposément écologiques qui, avant même que les compromis à faire avec des objectifs non-écologiques (la croissance économique par exemple) ne soient envisagés, font plus de mal que de bien. L'Allemagne, par exemple, se targue de diriger la lutte mondiale contre le changement climatique ; et pourtant, elle vient de démolir un réacteur nucléaire qui fonctionnait parfaitement, ce qui renforce encore un peu plus sa dépendance aux énergies fossiles. Même lorsqu'il apparaît clairement qu'une politique a un impact positif, il est important d'être précis sur l'ampleur de la différence qu'elle fera.
En politique, il est facile d'être obsédé par le côté visible de l'iceberg. Lorsqu'un certain sujet touche un nerf culturel ou a déjà fait l'objet de grandes luttes politiques par le passé, ses enjeux peuvent sembler existentiels – alors qu'en réalité, peu de choses en dépendent vraiment dans le monde réel. C'est en partie ce qui explique qu'il soit si tentant de faire une fixette sur les pailles en plastique ou les bouchons de bouteille détachables (qui n'ont que peu d'impact) plutôt que sur les incitations fiscales ou les marchés des quotas carbone (qui auraient un impact bien plus grand). Les écologistes efficaces doivent éviter à tout prix de céder à cette tentation.
Dans quelle mesure l'action proposée va-t-elle conduire à une dégradation de la qualité de vie ? En règle générale, ceux que le changement climatique et d'autres formes de dégradation de l'environnement inquiètent se soucient du bien-être de l'espèce humaine ; ils craignent les conséquences délétères d'un dérèglement climatique hors de contrôle. Or, cela leur donne aussi une raison de se soucier des répercussions négatives que les politiques écologiques pourraient avoir sur le bien-être humain. Par conséquent, il faut que toute l'étendue des compromis envisagés soit intégrée dans les éléments essentiels à prendre en compte. Plus une politique a un impact négatif sur la qualité de vie, plus nous devons nous demander si sa mise en œuvre est vraiment une bonne idée.
Dans quelle mesure l'action proposée risque-t-elle d'être contre-productive ? Les réserves de capital politique sont limitées. Dans la plupart des démocraties, le changement climatique préoccupe à divers degrés une bonne majorité de la population. Mais ce réel souci rivalise avec l'inquiétude des électeurs face à des priorités économiques, telle que l'accessibilité à de bons emplois, lorsqu'il n'est pas totalement éclipsé. Compte tenu de ce contexte, il est d'autant plus important qu'il apparaisse clairement aux électeurs que les gouvernements et les groupes écologistes se concentrent sur des initiatives susceptibles d'avoir un impact et qui les laissent maîtres des décisions pour tout ce qui concerne leurs propres vies ; faute de quoi, les soutiens apportés à la moindre politique écologique sont susceptibles de se polariser en fonction de lignes partisanes, voire de s'effondrer des deux côtés.
S'inspirer de l'altruisme efficace sans tomber dans ses travers
En inventant l'expression « écologie efficace », je me suis bien entendu inspiré d'une notion qui existait déjà : « l'altruisme efficace ». L'altruisme efficace est récemment tombé en disgrâce pour des raisons aux racines profondes : les défenseurs de ce mouvement ne s'intéressaient pas suffisamment à la complexité de la psychologie ou de la politique.
Ils embrassaient une vision à long terme accordant la priorité à un progrès incertain dans un avenir lointain plutôt que de favoriser la possibilité d'améliorer dans l'immédiat la vie des gens dans le besoin. Le sentiment messianique de leur propre importance pouvait parfois leur servir d'excuse pour se dispenser des exigences de la morale ordinaire. Les écologistes efficaces doivent prendre bien garde à ne pas adopter le même genre d'état d'esprit.
Pourtant, malgré tous les problèmes posés par l'altruisme efficace, la vision originelle sur laquelle elle est construite est difficilement contestable. Les gens dépensent des milliards de dollars en contributions charitables chaque année. Une grande partie de cet argent sert à financer de nouveaux gymnases dans des universités chics ou à rénover le refuge pour chats du coin. Ne serait-il pas mieux avisé d'orienter les instincts altruistes des donateurs vers des initiatives qui ont davantage d'impact et qui pourraient potentiellement sauver la vie de milliers de gens ?
On retrouve le même genre de dynamique chez le mouvement écologiste. Nombre d'activistes consacrent davantage d'énergie à des démarches qui renvoient un sentiment de vertu qu'à celles qui vont réellement faire une différence. Conséquence : le mouvement s'avère en grande partie inefficace. Tout comme les altruistes efficaces cherchent à améliorer ce à quoi la philanthropie ressemble en pratique, les écologistes efficaces doivent s'attaquer sérieusement à ce qu'il est nécessaire d'entreprendre pour sauver l'environnement.
Les écologistes efficaces ont une autre leçon à tirer de ce mouvement. Les altruistes efficaces se targuent d'adopter des principes et des procédés heuristiques censés les aider à évaluer quoi faire d'une manière plus rationnelle. Cela suppose de ne pas juger une idée en fonction de la personne qui l'émet ; de réserver son jugement tant qu'on n'a pas analysé à la fois les bénéfices et les coûts d'une proposition ; d'accorder de l'attention au poids relatif des différentes priorités existant et de faire preuve de scepticisme face à des formes de politiques symboliques qui ne conduisent pas à de réels changements.
Malgré l'orgueil démesuré qui a si souvent détourné l'altruisme efficace du bon chemin, ces normes sont tout à fait sensées et elles sont aussi pertinentes pour les écologistes qui se donnent vraiment pour objectif d'avoir un réel impact. Par conséquent, pour déterminer quelles politiques peuvent faire le plus de différence dans la lutte contre le changement climatique, et s'ils veulent vraiment acquérir le capital politique qui leur permettra de les mettre en pratique, voici les démarches que les écologistes efficaces doivent entreprendre :
Évaluer les politiques non pas en fonction de leur pureté perçue, mais de leur impact
L'interdiction des sacs en plastique est un exemple de politique qui donne l'impression d'être écolo. Le plastique est fabriqué à base de pétrole, il génère de la pollution et peut nuire aux animaux. Ne vaut-il pas mieux prendre des sacs en tissu réutilisables quand on va faire les courses ?
Le problème ici n'est pas seulement que les gens oublient souvent d'en apporter un, ce qui les oblige à acheter un grand nombre de sacs réutilisables au fil du temps. C'est également que la production de sacs en coton nécessite énormément de ressources. Une étude révèle qu'un sac en coton devrait être réutilisé rien moins que 7 100 fois pour que son empreinte carbone soit aussi réduite que celle des sacs en plastique à usage unique.
C'est le genre de données auxquelles les écologistes efficaces seraient bien inspirés de prêter attention. Certaines politiques « donnent l'impression » d'être vertes. D'autres « donnent l'impression » d'être polluantes. Lorsque les écologistes efficaces mesurent la pertinence de l'adoption d'une politique donnée, plutôt que de se fier à l'impression qu'elle donne ou à l'opinion commune à son sujet, ils feraient mieux de se demander si elle peut aider l'humanité à résoudre le défi capital que représente le changement climatique.
Donner la priorité à des actions qui résolvent les plus gros problèmes
Réduire toutes les préoccupations écologiques à la lutte contre le changement climatique serait une erreur. Les gens ont de bonnes raisons d'avoir envie de vivre dans un environnement propre ou de vouloir soulager les souffrances animales, même si cela ne nous protège pas de la menace posée par le changement climatique. Les objectifs écologiques sont divers et variés et reconnaître cette pluralité positive est parfaitement raisonnable.
Pour autant, il importe que ceux qui se soucient des objectifs environnementaux aient un sens clair des priorités relatives. Certains objectifs sont plus importants que d'autres, et parfois, s'attaquer à un de ces sujets épuise réellement les possibilités d'en gérer un autre. Dans ces circonstances, les écologistes efficaces devraient sans faillir accorder la priorité aux objectifs les plus cruciaux.
Être prêts à construire des coalitions idéologiquement intersectionnelles
Les activistes ne cessent de tirer une grande fierté de leur « intersectionnalité ». Comme ils pensent que les diverses formes d'oppression se chevauchent, ils estiment que celui qui veut participer à la lutte contre une certaine forme d'injustice doit également faire sien un ensemble de postulats progressistes sur la manière de combattre d'autres formes d'injustices perçues.
Cet état d'esprit est susceptible de décourager quiconque désire s'impliquer dans la lutte pour une cause environnementale, mais aussi de détourner les grandes organisations écologistes de leur lutte pour atteindre leurs objectifs déclarés et de décourager des acteurs puissants de former des coalitions tactiques avec des partenaires dont ils méprisent la vision du monde. Les écologistes efficaces devraient rejeter cet instinct puriste et faire cause commune avec quiconque agit en faveur d'une action efficace, quelles que soient leurs opinions sur d'autres sujets.
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Laisser les gens décider pour eux-mêmes
Les écologistes efficaces devraient se battre pour que la plus grande partie de l'économie possible s'oriente vers des formes d'énergie non-carbonées. Pour cela, il faut un large soutien politique et, aussi, c'est vrai, de vrais compromis financiers. Mais il convient d'éviter d'imposer de réglementer de manière intrusive la façon dont les gens choisissent d'utiliser cette énergie. Si les consommateurs sont prêts à payer au prix fort le plaisir de se prélasser en terrasse à la fin de l'automne, ni le gouvernement, ni les activistes écologistes ne devraient décider qu'il est plus vertueux d'utiliser cette énergie autrement.
Cela fait plusieurs dizaines d'années que le mouvement écologiste tente d'instiller la terreur. Les noms que les organisations les plus visibles du moment se sont donnés sont éloquents : de Dernière Génération à Extinction Rebellion, ils signalent que l'humanité est sur le point d'être détruite par une catastrophe environnementale. Mais s'il ne fait aucun doute que le changement climatique est un problème grave et bien réel, ce type de rhétorique est factuellement fallacieux et politiquement désastreux.
C'est pour cette raison que je privilégie une approche différente. Cette approche se concentre sur les risques graves posés par le réchauffement climatique, mais elle insiste aussi sur le fait que les humains sont capables de l'affronter en combinant action collective et ingéniosité. Avec les bons investissements et des réglementations bien calculées, nous pouvons réduire les émissions de dioxyde de carbone et atténuer l'impact du réchauffement de la planète.
Et si cette transition aura un coût considérable, elle n'aura pas besoin de nous appauvrir ni n'exigera de nous que nous nous abstenions d'utiliser une énergie abondante au service de ses nombreux miraculeux usages. Comme le démontre l'incroyable réduction du prix des renouvelables de ces dernières décennies, nous sommes même en train de faire les premiers très grands pas dans la bonne direction.
Même au sein d'une écologie efficace, il restera sans doute des désaccords persistants sur le dosage des politiques susceptibles d'aider à combattre le changement climatique. Mais pour commencer, l'assortiment de mesures mises en avant par des écologistes efficaces devrait comprendre les choses suivantes : l'engagement à créer une abondance énergétique tout en transitionnant vers une économie bas carbone ; des investissements significatifs tant dans les énergies renouvelables que dans l'énergie nucléaire ; des réglementations visant à augmenter le prix des énergies fossiles ; l'adoption de cultures génétiquement modifiées capables de supporter les modifications du climat ; des investissements publics et privés pour atténuer les effets du réchauffement déjà en cours ; le développement et l'adoption de nouvelles technologies de captage de carbone et la volonté de réaliser des recherches sérieuses sur des idées spéculatives, comme l'éclaircissement des nuages, susceptibles d'éviter les pires scénarios en cas d'urgence climatique.
La lutte contre le changement climatique et d'autres formes de dégradations de l'environnement aura forcément un prix. En économie comme dans la vie, on n'a rien sans rien. Mais dans le contexte d'une économie qui croît, nous devrions pouvoir assumer ces coûts sans subir de réduction globale de la richesse ou du bien-être humains. Si nous adoptons les principes de l'écologie efficace et que nous décidons de prendre des mesures énergiques, notre avenir pourra briller de mille feux.