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- Yascha
La traduction suivante de mon article original en anglais, rédigée par Bérengère Viennot, a été publiée le 25 février dans Le Point.

Ces dernières semaines, les déclarations et les actes de l'administration Trump ont provoqué la plus grande rupture entre les États-Unis et l'Europe depuis la fin de la guerre froide. Les relations entre ces partenaires de longue date sont aujourd'hui plus tendues qu'elles ne l'étaient à l'approche de l'invasion de l'Irak par George W. Bush ou après la conférence de presse de 2018 tenue conjointement par Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki.
Ces dernières semaines, les responsables européens ont été horrifiés de voir Trump faire pression sur la Première ministre du Danemark, allié de longue date, pour qu'elle cède une partie de son territoire national aux États-Unis. À la conférence de Munich sur la sécurité, ils se sont offusqués du discours dans lequel J. D. Vance, vice-président de Trump, a paru se rallier aux populistes d'extrême droite du continent.1 À présent, ils sont furieux qu'une délégation américaine se soit rendue en Arabie saoudite pour négocier le futur de l'Ukraine avec leurs homologues russes, sans convier le moindre représentant européen à leur table, pendant qu'à la Maison-Blanche, le patron publie des tweets insultants pour Volodymyr Zelensky.
Et il y a de quoi s'inquiéter, c'est vrai. Les États-Unis garantissent la sécurité et la stabilité en Europe occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le plan Marshall a aidé les économies française, italienne, ouest-allemande et britannique à se redresser et à sortir de leur marasme de l'immédiat après-guerre. Le soft power américain a contribué à dynamiser les partis modérés à l'ouest du rideau de fer à une époque où le sort de la démocratie était dans la balance à chaque élection (ce que l'on a tendance à oublier trop facilement ces jours-ci).
La présence de soldats américains a mis des limites aux ambitions territoriales des dirigeants du Kremlin et empêché Joseph Staline d'absorber Berlin-Ouest et (bien plus tard) Vladimir Poutine d'envahir l'Estonie. Ces faits historiques ont profondément influencé les projections des décideurs européens en matière de politique étrangère – et il est en train d'apparaître clairement qu'ils vont devoir réviser radicalement leur modèle mental.
Mais si les Européens ont de bonnes raisons de s'attrister, leur stupéfaction, elle, n'a aucune excuse. Trump avait clairement exposé ce qu'il pensait de l'Otan dès son premier mandat. Il a exprimé sa sympathie pour Vladimir Poutine à maintes occasions. Et il éprouve depuis des années une profonde hostilité envers Zelensky – tout en étant extrêmement critique vis-à-vis du soutien apporté à l'Ukraine par les États-Unis. Rien de tout cela n'aurait dû surprendre qui que ce soit.
Alors comment se fait-il que l'Europe soit si mal préparée à ce qui est en train de se produire ? Pourquoi, à Munich, le public a-t-il été si surpris d'entendre Vance dire ce que Trump et ses plus proches alliés répétaient depuis des années ? Pourquoi les dirigeants européens ne sont-ils pas capables d'apporter à l'Ukraine un soutien susceptible d'empêcher la Russie, l'Amérique ou quiconque de conclure un accord concernant son avenir sans leur demander leur avis ? En bref, pourquoi les Européens sont-ils encore si inaptes à prendre en main le sort de leur propre continent ?
À l'automne 2016, j'étais chercheur junior à la Transatlantic Academy du German Marshall Fund – intitulé de poste qui vous donne une idée de l'ambiance générale qui prévaut dans les institutions, certes méritantes, mais plutôt guindées et sans imagination, qui se donnent pour but d'assurer le bon fonctionnement de l'alliance occidentale. Quelques semaines avant que Donald Trump n'affronte Hillary Clinton, nous avons entrepris un périple dont l'objectif était de rencontrer des décideurs haut placés à Berlin.
À chaque réunion, notre sherpa, Stephen Szabo – un homme si placide et affable qu'on passe facilement à côté de l'aspect incisif de ses questions – interrogeait gentiment nos interlocuteurs sur leurs projets dans le cas où une administration Trump viendrait à se concrétiser. Et, à chaque réunion, la réponse des Verts et des démocrates-chrétiens, des libéraux et des sociaux-démocrates était, à peu de chose près, la même : Trump ne peut pas gagner. Oui, mais imaginons qu'il gagne ? La politique étrangère américaine ne changera sans doute pas tant que ça. D'accord, mais imaginons qu'elle change ? Tout reviendra à la normale après Trump. Bon, mais imaginons que ce ne soit pas le cas ?
Silence. Haussement d'épaules. Puis, en quelques mots ou en de longues phrases, le refrain implicite : il le faudra bien. Parce qu'il est inimaginable qu'il en soit autrement.
Ce type de réflexion a donné le ton de tout ce qu'a fait l'Europe (ou plutôt de tout ce qu'elle n'a pas fait) au cours des huit années qui ont suivi. Profondément déconfits face à la victoire de Trump, les dirigeants du continent ont traité sa présidence comme un cauchemar isolé : nous finirions tous par nous réveiller et, tout autour de nous, l'ordre du monde reviendrait à la « normale » par l'opération du Saint-Esprit. Ils se sont fait conseiller sur la manière de serrer la main de Trump pendant les visites d'État. Ils ont tenté de l'apaiser avec de modestes augmentations de leur budget militaire ou en lui en mettant plein la vue pendant les visites d'État. Ils ont attendu leur heure et gentiment patienté, le temps que les Américains reviennent à la raison et élisent quelqu'un comme Joe Biden. Et, naturellement, c'est exactement ce qu'ont fait les Américains, prouvant de toute évidence que l'inaction européenne (née, en réalité, d'un manque total d'imagination) était un coup de génie tactique.
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C'est le même mécanisme de déni des réalités imminentes qui conditionne la réaction de l'Europe depuis que la Russie a envahi l'Ukraine le 24 février 2022. À toutes les conférences sur la sécurité, groupes de réflexion et spécialistes de la stratégie militaire se sont inquiétés de voir à quel point le soutien à l'Ukraine était en train de devenir un instrument politique à Washington. Avez-vous lu cet article sur le député républicain qui a voté contre les dernières mesures d'aide ? disait le membre d'un think tank. Avez-vous vu la dernière publication sur Zelensky que Trump a publiée sur Truth Social depuis son exil de Mar-a-Lago ? chuchotait un autre expert des stratégies militaires.
Mais jamais ces inquiétudes croissantes n'ont réellement été traduites en actes. Si l'Europe a contribué de façon conséquente à la défense de l'Ukraine ces dernières années, les dirigeants politiques du continent n'ont jamais mis au point de plan pour contenir la Russie dans le cas où, à Washington, une nouvelle administration les laisserait se débrouiller tout seuls.
D'ailleurs, certains de ces mêmes politiciens qui se montrent aujourd'hui sincèrement choqués par la trahison de Trump ont eux-mêmes trahi l'Ukraine pour des raisons politiques. Confronté à une très difficile campagne de réélection à la fonction de chancelier d'Allemagne, par exemple, Olaf Scholz a régulièrement brandi sa réticence à aider davantage l'Ukraine comme un signe de sa supériorité de jugement, insinuant que la position plus belliqueuse adoptée par son principal rival, Friedrich Merz, risquerait de déclencher la Troisième Guerre mondiale.
Rétrospectivement, l'élection de Trump en 2016, à une époque où il ne disposait pas encore de l'expérience politique ou d'un entourage loyal pour changer ses instincts en réalité, a été un cadeau pour l'Europe. Elle donnait aux dirigeants du Vieux Continent quasiment une dizaine d'années pour se préparer à un monde dans lequel ils ne pourraient plus s'appuyer sur les États-Unis pour assurer leur sécurité. Cadeau que les dirigeants européens ont gâché. On aurait moins de mal à sympathiser avec l'horreur qu'ils affichent en ce moment s'ils n'avaient pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter de se préparer au pétrin éminemment prévisible dans lequel ils se trouvent.
Il y a quelque semaines, je suis intervenu lors d'une table ronde à l'occasion de l'European Conference de Harvard, à laquelle participaient un récent vice-président de la Commission européenne et un eurodéputé. Nous étions supposés parler de populisme, et c'est ce que nous avons fait pendant un moment, mais la conversation a fini par s'orienter, c'était peut-être inévitable, vers les perspectives économiques et géopolitiques du continent. À ma grande surprise, mes interlocuteurs se sont montrés très optimistes.
Une expression qu'ils affectionnaient particulièrement : « l'effet Bruxelles ». Selon ce concept, répété maintes et maintes fois dans des discours et des conversations privées au cours de la conférence, le vrai superpouvoir de l'Europe, c'est sa capacité à devenir le chef de file mondial dans le domaine de la réglementation (et ce n'est même pas une blague). Si l'Union européenne adopte de nouvelles règles, alors les entreprises lointaines, en Asie ou en Amérique du Nord, qui veulent conserver l'accès à l'un des plus grands marchés du monde, devront se soumettre aux desiderata des bureaucrates de Bruxelles. Même en matière de technologies de pointe comme l'intelligence artificielle, insistaient les autres membres de ma table ronde, l'Europe reste une force avec laquelle le reste du monde devra compter.
Un des problèmes de cette vision est qu'elle démontre un sidérant manque d'ambition. Estimer que le rôle qui revient au continent qui a inventé la presse d'imprimerie et la machine à vapeur, l'automobile et le World Wide Web, c'est de devenir le régulateur-en-chef du monde, c'est (comme je l'ai déjà écrit) aussi pathétique qu'un enfant dont le rêve ultime serait de devenir le surveillant de ses camarades à la cantine. L'autre problème de cette vision, c'est que c'est un vœu pieux. Si la modestie de cette ambition peut paraître démoralisante, l'état actuel du continent la rend de toute façon totalement irréaliste.
Prenez le cas de l'IA. Pendant la conférence, quand j'ai demandé à des membres du public qui avait installé ChatGPT sur son téléphone, presque toutes les mains se sont levées. Quand j'ai demandé qui avait DeepSeek, environ un quart du public a levé la main. Quand j'ai demandé qui avait installé Mistral AI, le projet européen le plus avancé dans ce domaine, je n'ai vu qu'une seule main en l'air (l'ancien vice-président de la Commission européenne m'a fièrement fait remarquer que je n'avais pas vu qu'une deuxième personne avait, elle aussi, levé la main).
Ceci dit, si aucune des technologies d'IA de pointe n'est élaborée sur leur continent, les Européens n'en seront pas moins capables de réguler le genre de contenu que les chatbots américains ou chinois peuvent afficher dans l'Union européenne en menaçant de les y interdire. Et s'ils sont prêts à restreindre encore davantage la liberté d'expression – une voie qu'ils empruntent avec un panache inhabituel depuis quelques années –, ils pourraient peut-être même ralentir la diffusion du contenu « nuisible » généré par l'IA sur les réseaux sociaux à l'intérieur du continent.
Mais ce soi-disant remède ne serait pas seulement pire que le mal : il échouerait en plus à déjouer les véritables dangers posés par l'IA. Les bureaucrates de Bruxelles ont-ils les moyens de s'assurer qu'une arme biologique mortelle conçue à l'aide de l'intelligence artificielle s'arrêterait aux frontières de l'Europe ? Leurs lois protégeront-elles la Lettonie ou la Finlande d'une armée de drones télécommandés par un agent IA avancé ? Sauveront-elles l'humanité d'une armée de robots hyper intelligents qui auraient mal tourné ?
Bien sûr que non. Et le fait que mes co-panélistes se soient réellement mis en colère contre moi pour l'avoir signalé illustre bien la profondeur du déni autour de la vraie situation de l'Europe. On pourrait appeler ça le « défaut de Bruxelles ».
L'Europe a oublié une des leçons les plus fondamentales de son propre passé : si vous ne forgez pas l'histoire, c’est l'histoire qui vous forge. Cela a conduit les citoyens, les intellectuels et les dirigeants politiques européens à largement sous-estimer le coût d'un relatif déclin.
Au cours des dernières décennies, les Européens ont fini par reconnaître – lentement, en rechignant et sans aller jusqu'au bout du raisonnement – que leur rôle dans les affaires du monde ne cessait de s'amenuiser. Les innovations technologiques les plus importantes se produisent ailleurs. La croissance économique se concentre en Asie et en Amérique du Nord. Même le centre de gravité de la culture et de la mode est tranquillement en train de s'éloigner du Vieux Continent.
Mais même alors que le continent commence à prendre conscience du déclin de son statut, la conviction que ce déclin peut être géré avec dignité persiste obstinément. Peut-être la voix du président français ou du chancelier d'Allemagne comptera-t-elle de moins en moins aux Nations unies ou au G20. Peut-être les entreprises européennes en seront-elles réduites à ne faire des affaires que dans les secteurs traditionnels. Peut-être les universités européennes vont-elles perdre leur envergure internationale. Mais la vie en Europe continuera d'être douce. Les Européens continueront à bien gagner leur vie, à bénéficier d'un État-providence solide, à prendre de longues vacances, à habiter dans de jolies villes et, bien sûr, à jouir d'institutions démocratiques.
Hélas, je doute de plus en plus que le paysage international tel qu'il est en train d'évoluer permette à l'Europe de décliner avec autant de grâce. Quand le modèle économique de base d'un pays comme l'Allemagne s'effondre, il n'est pas dit que la richesse du pays se mette à stagner ; elle peut tout aussi bien dégringoler. Quand des pays déclinent à la fois économiquement et démographiquement, leur État-providence ne devient pas nécessairement un peu moins généreux ; il peut tout aussi bien cesser complètement d'être viable. Et quand des pays deviennent de plus en plus dépendants d'hommes forts et de dictateurs de pays lointains, cela ne limite pas seulement leurs choix en matière de politique étrangère ; cela peut tout aussi bien transformer leurs propres valeurs et leurs institutions.
Pendant la guerre froide, les pays européens soumis à la sphère d'influence de l'Union soviétique ont tous fini, sans exception, par devenir des dictatures communistes. Ceux qui faisaient partie de la sphère d'influence de l'Amérique ont (presque tous) fini par devenir des démocraties.2 Tôt ou tard, les États clients finissent par ressembler à ceux qui les chapeautent.
Konrad Adenauer, le premier chancelier allemand d'après-guerre, s'était retrouvé face à un choix lourd de conséquences : soit il ancrait fermement la toute nouvelle République fédérale dans l'alliance occidentale, soit il tentait de faire de l'Allemagne un pays neutre qui ne serait aligné ni avec les États-Unis, ni avec l'Union soviétique. Sa décision de rejeter la neutralité malgré la perspective (extrêmement incertaine) de la réunification fut autant une question de culture que de stratégie de pouvoir : c'était un témoignage des valeurs qui, à ses yeux, devaient façonner le pays, et qui, en grande partie, ont fini par le faire.
Les décideurs européens se retrouvent aujourd'hui confrontés à un choix lourd du même genre de conséquences. Leur première option consiste à se couvrir. Au cours des quelques prochaines années, l'Europe sera de plus en plus tentée de décider que le meilleur moyen de gérer un allié américain de moins en moins fiable est de faire ami-ami avec la Russie et la Chine. Cette position a d'ailleurs déjà conquis les dirigeants de Prague et Budapest, ainsi que de nombreux électeurs à Paris et Berlin. Mais cela réduirait les nations européennes au statut de vassales de Vladimir Poutine et de Xi Jinping – et risquerait de rendre les politiques intérieures de l'Europe de plus en plus vulnérables aux caprices de chefs d'État autoritaires du monde entier.
La seconde option consiste à continuer comme si de rien n'était. Dans ce scénario, les Européens continueraient d'appliquer leurs politiques essentiellement basées sur l'idée qu'ils peuvent sous-traiter leurs besoins de sécurité aux États-Unis. Après avoir promis d'augmenter les dépenses militaires et d'accentuer la coopération de leurs forces armées, ils retomberaient tranquillement dans la routine habituelle – comme en 2022.
Ce scénario, me semble-t-il, est bien plus probable que ce que laissent entendre les discours indignés de ces derniers jours, notamment parce qu'il découlerait plus naturellement du penchant général des décideurs européens, qui privilégient de ne pas trop changer les choses quand il est possible de faire autrement. Mais comme pour la première option, un tel refus de s'adapter aux nouvelles réalités scellerait le destin du continent et le condamnerait à devenir la chose des grandes puissances mondiales, et notamment de futures administrations de Washington.
La dernière option consiste à faire le nécessaire pour que l'Europe redevienne un acteur historique à part entière. Mais cela nécessiterait beaucoup plus d'imagination et bien plus d'efforts que ce que quiconque semble enclin à admettre en ce moment. Les Européens auraient bien sûr besoin d'investir beaucoup plus dans la consolidation de leurs forces militaires pour pouvoir assurer la sécurité de leur continent de façon crédible. Mais ils devraient aussi reconnaître que leur capacité à se débrouiller tout seuls est parfaitement incompatible avec leur résignation implicite à être le continent des musées, des monuments et de la médiocrité.
Des dirigeants comme Emmanuel Macron ont, ces dernières années, occasionnellement évoqué la nécessité pour l'Europe d'atteindre une « autonomie stratégique ». Mais il est tentant d'assimiler ce type d'aspiration sortant de la bouche d'un président français à un attachement nostalgique au désir inabouti de Charles de Gaulle de voir se réaliser la « grande nation » ; il faudra beaucoup plus d'actions concertées dans les capitales d'un bien plus grand nombre de nations européennes pour transformer ce type d'ambitieux slogan en quelque chose qui s'approche de la réalité.
La nécessité la plus impérieuse pour l'Europe, à présent, est d'investir dans sa propre défense. Dans le sillage de deux épouvantables guerres mondiales, nombre de pays, de l'Italie à la Suède, ont préféré, et c'est compréhensible, consacrer leurs dépenses aux écoles et aux retraites qu'aux soldats et aux avions de chasse. Comme l'Amérique avait émergé de la première moitié du XXe siècle avec de vastes ressources et un engagement durable envers l'alliance occidentale, ils pouvaient sous-traiter la plus grande partie de leur sécurité à l'Oncle Sam.
Mais l'époque où les Européens pouvaient en toute confiance sous-traiter leur sécurité aux États-Unis est désormais révolue. Elle ne reviendra pas – même pas si Kamala Harris ou Pete Buttigieg ou le fantôme de John McCain était élu président des États-Unis en 2028. Si les Européens ne prennent pas leur destinée en main par eux-mêmes, ils accepteront tacitement de se placer à la merci des grandes puissances militaires d'autres continents : d'un gouvernement communiste avide d'influence internationale à Pékin, d'un dictateur néocolonialiste assoiffé de vengeance à Moscou et d'un bulldozer de plus en plus imprévisible, doté d'un penchant certain pour le chaos, à Washington. Les Européens doivent être capables de défendre leur propre continent avec leurs propres forces.
Pourtant, une augmentation des dépenses militaires, même décisive, ne suffira pas pour que le continent retrouve une réelle capacité d'action. Parce que, à long terme, la force militaire dépend profondément de la prospérité économique. Alors, pour nourrir l'autonomie stratégique de l'Europe, les décideurs vont également devoir entreprendre les réformes radicales indispensables pour inverser le déclin économique apparemment inexorable du continent.
Pour que l'Europe se débrouille toute seule, elle va devoir attirer des start-up aptes à rivaliser avec la Chine et l'Amérique dans les secteurs de demain, des voitures électriques à l'intelligence artificielle. Elle devra assurer suffisamment de financements aux universités et aux laboratoires scientifiques pour qu'ils puissent rivaliser avec les meilleurs du monde. Elle devra trouver le moyen de renouveler sa culture et de mettre un coup d'arrêt à son déclin démographique. Les Européens devront cesser de penser qu'un passé glorieux est la garantie suffisante d'un futur digne.
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Au cours des dernières semaines, j'ai dû me rendre à une douloureuse évidence : ceux d'entre nous qui sont attachés aux principales caractéristiques de l'ordre d'autrefois, celui qui est en train de s'effondrer, doivent abandonner tout espoir de retrouver le monde d'avant.
La modification des circonstances politiques est rarement une bonne raison d'abandonner ses valeurs. En revanche, ce peut absolument être une occasion de reconnaître que le meilleur moyen de continuer à entretenir ces valeurs a changé. Et tant que ceux d'entre nous qui croient aux valeurs fondamentales des sociétés libres et démocratiques refuseront de reconnaître que le monde d'hier est mort et enterré, nous continuerons à perdre. Ce n'est que si nous imaginons et que nous mettons en œuvre la vision d'un avenir différent – une vision qui prend au sérieux les causes de l'effondrement de l'ancien monde sans renier nos engagements les plus fondamentaux – que nous aurons une chance.
Et ce n'est nulle part aussi clair qu'en Europe. Il est plus que temps que le continent abandonne ses dangereuses illusions. La perspective d'un déclin progressif, en toute élégance, est peut-être séduisante, mais c'est un mirage. Le continent se retrouve aujourd'hui devant deux options possibles : un renouveau radical, ou la chute.
Le discours lui-même m'a semblé un peu plus ambigu sur ce point que ce que certaines de ses couvertures ont pu suggérer. Mais la décision de Vance de rencontrer les dirigeants de l'Alternative pour l'Allemagne à l'approche des élections nationales a clairement suggéré que l'administration considère le parti comme un partenaire potentiel.
Je suis certain que quelqu'un peut me signaler des exceptions. La Grèce, l'Espagne, et le Portugal dans les décennies qui ont suivi la guerre, bien sûr. Et est-ce que le Liechtenstein et Monaco sont considérés comme des démocraties ?